Le dimensionnement des piles, culées et arches

Les chapitres correspondants du traité proprement dit sont surtout historiques et descriptifs. La dissertation sur le sujet ajoutée en 1728 au traité est beaucoup plus intéressante.

En préambule Henri Gautier avoue ne pas être assez savant pour comprendre le mémoire produit en 1712 par la Hire sur la poussée des voûtes. Après les règles empiriques antérieures et la règle graphique de Blondel sur le dimensionnement des culées, la théorie développée par la Hire était pourtant la première approche mécaniquement correcte de la question.

Après avoir distingué le cas des culées de ceux des piles, supposées recevoir des poussées à peu près équilibrées, Henri Gautier développe pour les culées de façon assez échevelée selon

J. Mesqui un raisonnement géométrique et une construction graphique qui conduisent à des résultats encore plus conservatoires que la règle de Blondel à savoir un rapport ouverture de l’arche (O) sur l’épaisseur de la culée (ou pile culée) E égal à quatre : O/E = 4.

Pour les piles, l’auteur du traité recommande la règle, fondée sur sa pratique, d’un rapport épaisseur (E) sur ouverture (0) de un cinquième soit O/E = 5, en la modulant selon la nature des pierres. Il fournit, en y traitant aussi des culées et des voussoirs un tableau des épaisseurs recommandées pour des ouvertures allant de 1 pied (0,32 m) à 120 pieds (un peu moins de 39 mètres). Le rapport du cinquième y est appliqué à partir de 20 pieds. Entre 1 et 20 pieds le rapport 0/E varie entre 2/3 et 5. Cette règle est un moyen terme de celle de Palladio qui admet des épaisseurs comprises entre un sixième et un quart de l’ouverture

En ce qui concerne les dimensions des voussoirs, Henri Gautier s’en tient à la règle d’Alberti : la hauteur du voussoir ne doit pas être inférieure au quinzième de l’ouverture des arches.

Toujours pragmatique l’auteur fournit comme déjà signalé pour les épaisseurs de pile, un tableau récapitulatif des dimensions des culées, piles et voussoirs pour des ouvertures d’arche allant de 1 à 120 pieds. Fort sagement il distingue le cas des voussoirs de pierre dure de ceux de pierre tendre. Il rend même compte pour appuyer ces conclusions d’essais sur un modèle réduit de demi-arche constituée de voussoirs en bois.

Le traité de Henri Gautier ne se limite pas à ces parties essentielles pour la construction en maçonnerie. Il aborde aussi, plus rapidement les ouvrages en charpente, et les cintres, en s’inspirant fortement de l’ouvrage de Mathurin Jousse. II décrit les ponts « mouvans » et « volans », les ponts de bateaux, les ouvrages annexes de défense. Il consacre plus de 100 pages à la présentation de devis d’ouvrages. Un chapitre important est dévolu aux murs de soutènement. Il y résume les règles de dimensionnement empiriques attribuées à M. de Vauban et l’analyse faite par M. Bullet architecte du roi. Il présente ensuite ses propres règles étayées par un raisonnement approximatif sur l’équilibre général entre le mur et ce qui deviendra avec Coulomb le coin de poussée. Après avoir souligné les différences de comportement selon la nature des remblais, il fournit une fois de plus une table de dimensionnement de 5 à 80 pieds (de hauteur de 1,6 mètre à 26 mètres !)

Mais l’édition de 1728, contient aussi des chapitres plus juridiques sur les péages, les édits, arrêtés et coutumes, sur la garantie des ouvrages publics et particuliers (hors cas de force majeure, les entrepreneurs étaient selon la loi « omnes » garants de leur ouvrage durant quinze ans). On y trouve aussi des dissertations sur la force des chevaux, sur la retenue des corps pesants, sur la largeur des chemins, selon les coutumes des provinces, etc.

Le traité des ponts d’Henri Gautier constituant donc bien la présentation raisonnée de tout ce que devait savoir sur ces ouvrages au début du 18eme siècle un architecte ou ingénieur.

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