Dans le prolongement du troisième niveau du pont du Gard se profile le tunnel du Pouzin, une construction datée de 1865 qui n’appartient pas à l’aqueduc de Nîmes, lequel contourne carrément la colline par la gauche.
Petite histoire – Ce tunnel appartient à un tronçon d’aqueduc dont la première pierre a été posée en présence d’une foule enthousiaste suivie d’un grand banquet de 700 couverts, le mardi 26 mai 1863, au pont du Gard, en l’honneur du projet et du richissime spiripontain François Bravay qui le cautionnait, à raison de 700 000 francs, alors qu’il sollicitait les suffrages des Gardois pour les élections législatives auxquelles il se présentait quatre jours plus tard. Election qu’il gagna brillamment : 13 116 voix contre 8 840 à Chabanon, maire d’Uzès, promoteur des jets d’eau et des fontaines dans sa ville. Election invalidée une première fois le 28 novembre 1863, Bravay se représenta le 18 janvier 1864, il fut réélu par 17 130 voix, puis invalidé une seconde fois. Persévérant, il se présenta une troisième fois le 29 mai 1864 et fut élu 14 721 suffrages contre 6 243 à Chabanon qui cessa le combat. Le projet démarra mais fut rapidement abandonné : une historie de « grands travaux » déclaré d’utilité publique pour de bonnes raisons, mais dévoyé au profit d’un riche politicien dont on flattait l’égo, aux frais des contribuables.
Le tunnel du Pouzin fait partie des balbutiements de ce projet, tout comme quelques tranchées creusées sur les territoires des communes de Lédenon et de Bezouce et les galeries à Saint-Gervasy, à la Ponche, à Marguerittes. Selon des notes relevées à la page 457 de l’ouvrage L’aqueduc de Nîmes et le pont du Gard écrit par un collectif d’auteurs sous la direction de Guilhem Fabre, Jean-Luc Fiches et Jean-Louis Paillet, » le 28 février [1866], un rapport de l’ingénieur en chef des travaux du canal au niveau du pont du Gard annonce la diminution du nombre des ouvriers et les précisions suivantes concernant les travaux :
longueurs des parties achevées : 4 561,85 m ; longueur des parties ébauchées : 5 554,00 m ; longueur des souterrains en galerie : 384,87 m. Le 12 mars, tous les chantiers établis et entrepris sur Nîmes, Larcy, Saint-Gervasy, Bez et Lédenon sont abandonnés ». En clair, trois ans après le début des travaux fixés à 6 ans, moins de 10% du terrassement avait été entrepris. Il restait le plus difficile : creuser des tunnels dans les bois de Malmont, élargir l’aqueduc romain sur lequel on voulait s’appuyer, percer la colline entre le pont du Gard et Sernhac, terminer les fouilles au-delà de Marguerittes, équiper l’ensemble d’un tuyau de 2,8 mètres de diamètre du Pouzin jusqu’à Nîmes ( 102 km), élargit l’aqueduc romain et la canalisation du pont du Gard d’autant, insérer la machinerie nécessaire au bon écoulement de l’eau.
Le projet de la Compagnie du Midi abandonné, la municipalité de Nîmes retiendra celui d’Aristide Dumont qui amènera l’eau de Comps (au confluent du Rhône et du Gardon) jusqu’à Nîmes selon des techniques modernes : propulser l’eau sous pression dans des tuyaux étanches à l’aide de machines « à feu » ( à vapeur ). Commencé fin 1868, le projet de Dumont fut opérationnel deux ans après ; l’eau du Rhône coulait à Nîmes le 6 novembre 1872. Ce conduit fut repris et amélioré en 1908 : on augmenta le nombre des puisards, on les creusa plus profondément jusqu’à 16 m et plus pour obtenir la meilleure eau possible et suffisamment abondante pour inonder les vignes infestées de phylloxéras.