Examiner les arches des trois niveaux, leurs dimensions relatives, leur répartition
Vertigineuse dentelle de pierre
Parmi tous les articles écrits sur le pont du Gard, celui dont le titre frappe, tant il sonne clair et juste, est celui que lui a attribué Corinne Bensimon, journaliste au quotidien Libération, dans le numéro du 6 août 2010, le pont du Gard, « vertigineuse dentelle de pierre ».
Légende :
1- La gravure compagnonnique de Fouché dit la vertu de Saintes
3- Clé de voûte de l’arche centrale du deuxième niveau (légionnaire, autre personnage ?)
4- Couverture dallée
5- le lièvre (romain)
6- le coq (signe compagnonnique, 1702)
7- arrière-becs accolés au pont routier (1743-1745) ; ils datent de Pitot
8- Les cavités sous les piles de l’arche centrale du premier niveau
Les arches
Corinne Bensimon a frappé fort, le pont du Gard « merveilleuse dentelle de pierres ». En peu de mots, elle exprime ce que ressent le visiteurs niveau ou l’habitué, qui se rend au pont du Gard. La technique des arches, vieille de plusieurs millénaires – Jacques Seigne en fait remonter l’origine a près de cinq mille ans, en Orient,1- a été reprise par les Grecs, puis par les Etrusques, enfin par les constructeurs romains qui améliorèrent ainsi leurs monuments, leurs ponts et leurs aqueducs. Plus légers, plus résistants aux vents, les arches permirent de raccourcir les distances, de conserver les pentes hydrauliques lorsqu’elle étaient faibles. Elles laissaient s’écouler les eaux de ruissellement, facilitaient le passage des hommes et des animaux. Jusqu’au XIX ème siècle, l’invention du béton armé2, les arches furent le principal mode de construction des plafonds et des ponts.
Arches clavées et arches concrètes
Deux types d’arches selon leur mode de construction, les arches édifiées avec des pierres taillées en coins, les claveaux ou voussoirs, ce sont les arches clavées et les arches coulées entre des banches qui leur donnaient leur forme, c’étaient les arches concrètes, bâties. Arches clavées ou concrètes, voûtes clavées ou bâties, on trouve toutes le long de l’aqueduc de Nîmes. Et plus encore, on peut faire entrer la technique de l’arche, dont la fonction principale et le renvoi des forces sur le côté, dans celle des avant-becs et des arrière-becs, protecteurs des piles dans la rivière.
Points faibles d’une arche
De par leur construction, les arches présentent deux (si elles sont concrètes) ou trois (si elles sont clavées) points faibles :
A peu près à mi-hauteur, ce sont les reins3 qui tendent à s’écarter, ouvrant ainsi l’ouvrage et libérant la clé de voûte qui va tomber. Il est indispensable de renforcer des arches (ou les voûtes) par des contreforts naturels (les collines au pont du Gard) ou bâtis.
Ouverture des arches, hauteur et épaisseur des piles, largeur du bandeau, des paramètres interdépendants
Une arche ne tient par elle-même, on dit alors qu’elle est stable, que si les piles qui la supportent sont larges et relativement basses. Pour mieux comprendre nous prêterons donner une âme à l’arche, nous l’humaniserons, et nous dirons quelle est d’autant plus stable qu’elle n’a pas le vertige. Conditions de stabilité d’une arche
Chacun a ses formules, sa recette, celle de François Derand (1588-1644) à laquelle il manque un paramètre, mais peu importe, est séduisante, parce que simple, pratique, pragmatique, pleine de bon sens4. Dans ces conditions, parmi les 17 arches des premier et deuxième niveaux du pont du Gard, seules les 5 arches de 15,5 m d’ouverture, qui s’appuient sur les piles de 4,36 m de largeur, furent stables à la construction. Les arches du troisième niveau, en revanche de 4,8 m d’ouverture et qui s’appuie sur les piles de plus d’un mètre trente de largeur étaient toutes stables. De nos jours, les arches (humanisées) sont pleines d’arthrose et les voussoirs sont pratiquement soudés entre eux, le pont est probablement doute plus solide qu’au temps de sa jeunesse.
La couverture de la canalisation du troisième niveau est dallée
Heureusement, car si elles avait été voûtée, il aurait fallu la contre-bouter par des contreforts qui prendraient appui sur le tablier du deuxième niveau ou plus bas encore ! De plus, une dalle joue le rôle de raidisseur et maintient les parois de l’aqueduc au lieu de les écarter. Les Romains ont fait le bon choix5.
Maquette du pont du Gard – Claude Larnac
Académie Pont du Gard
www.academie-pontdugard.com
Maquette du pont du Gard (C. Larnac)
- Seigne J. in Ferdrière A. (éd), La Construction – Les Matériaux durs : pierre et terre cuite, Errance, Paris, 2004, p. 86 [↩]
- le béton armé, inventé par plusieurs Français, dont Joeph Lambot, François et Edmond Coignet, et en particulier un paysagiste gardois, Joseph Monnier, né à Saint-Quentin-la-Poterie (1906-1923) [↩]
- nous avons effectué des calculs pour déterminer la hauteur des reins de l’arche majeure du pont du Gard, nous les publierons dans une prochaine étape [↩]
- la largeur du piédroit doit être supérieure au quart de l’ouverture de l’arche [↩]
- la dalle coûte beaucoup plus cher qu’une voûte, nécessite des carrières de bonne pierre à proximité, des moyens de transports à la hauteur, des moyens de levage appropriés, mais elle est presque éternelle [↩]