Les études de faisabilité d’Henri Pitot

L’ingénieur Pitot, «directeur des travaux publics de la sénéchaussée de Beaucaire et Nismes» est chargé d’établir des études comparatives entre les divers projets, car il y a les partisans d’un pont à établir face à Remoulins et ceux qui parlent d’un nouveau tracé par Uzès. D’autres souhaitent encore un doublement du Pont du Gard. Henri Pitot, en technicien averti, entreprend une recherche systématique de toutes les solutions possibles. Il étudie tous les tracés en les regroupant en quatre partis (variantes) d’aménagement :

  • Parti 1 : construire un pont à Remoulins en ne se détournant pas de la route du nouveau grand chemin de liaison à Pont-saint-Esprit,
  •  Parti 2 : adosser le pont proposé au Pont du Gard en se détournant de près d’une lieue. Carte de la main d’Henri Pitot où il calcule l’augmentation du trajet quand on fait un détour par le Pont du Gard.
  •  Parti 3 : établir le pont proposé auprès de Saint Privat et ouvrir un nouveau grand chemin à Pousilhac,
  • Parti 4 : faire passer le grand chemin à Uzès, pour se dispenser de faire la dépense d’un pont, en utilisant le pont Saint Nicolas. Dans un rapport du 13 janvier 1743 qu’il cosigne avec Clarmy, il fait une estimation de 197 834 livres pour le réaménagement du chemin de Nîmes à Uzès et d’Uzès à la jonction de la grande route au dessus de Conaut.

Extrait du manuscrit de trois pages, daté du 4 janvier 1743, signé Henri Pitot.

Dans le parti 1, il fait des essais de sol au passage à gué et retrouve le sol rocheux à 10 toises soit 19.50 m. Il est à noter qu’en 1993, pour fonder le nouveau pont de Remoulins, il a fallu descendre à 17 mètres pour la pile 1 en rive gauche et à 22 mètres pour la pile 2 en rive droite, ce qui confirme la pertinence des essais de sol effectués par Pitot. Mais à son époque les techniques de génie civil et de rabattement des nappes ne permettent pas de se fonder sur un niveau rocheux aussi profond ; il propose une solution sur pilots en bois et avec un seuil transversal. Il sait que cette technique est onéreuse et qu’elle posera des problèmes d’entretien ultérieur, malgré tout le soin que l’on prendra pour exécuter les travaux en rivière.

Aussi Pitot retient-il le parti 2 pour des facilités de fondation : les piles du nouveau pont seront sur du « roc », il s’appuiera contre l’étage inférieur du pont du Gard, côté aval de la rivière, c’est-à-dire sur la face orientale (Est) du monument romain. C’est ainsi que, du pont, naîtra un nouveau tracé de route et qu’il faudra créer deux tronçons pour se raccorder à la voie principale. Le gué sera conservé et ne sera utilisé qu’à l’étiage.
Les conclusions de Pitot sont claires :
« Le pont adossé au pont du Gard coûtera moins que s’il avait été fait à Remoulins, il est vray qu’à cause du détour, le chemin sera plus long, mais toutes ces raisons ont été discutées par Nos Seigneurs des États ».    

Photo montage de la DDE30 : Reconstitution du pont du Gard avant la construction du Pont Pitot.

Les États du Languedoc retiennent l’avis de Pitot et délibèrent favorablement afin de «construire un pont adossé à l’ancien pont aqueduc appelé du Gard» et de réaliser «un nouveau grand chemin depuis le logis de Lafoux jusqu’au pont du Gard et depuis le pont du Gard jusqu’à la jonction dudit grand chemin de Remoulins à Valiguière».