Sa carrière parisienne

En résumé le rayonnement de GAUTIER en Languedoc lui permet de prendre part à toutes les entreprises publiques de l’époque. Grâce à son amitié avec l’intendant de Basville, GAUTIER est rapidement appelé à travailler à Paris aux ponts et chaussées et s’établit dans cette ville, ne revenant en province que rarement pour voir sa famille d’après Ménard.

Le Roi est très satisfait de ses services. Sa nomination en conseil d’état est datée de Versailles, le 27 mars 1714. Il lui est assigné une pension confortable de 6000 livres se décomposant en 3600 livres d’appointements et 2 400 livres de remboursements de frais professionnels. C’est à cette époque qu’il rédige ses ouvrages les plus célèbres : Les traités sur les routes et les ponts.

En 1716, deux ans seulement après la nomination des premiers inspecteurs, une réforme a lieu. Elle vise à en diminuer le nombre et la rémunération individuelle, il faut déjà faire des économies budgétaires et réduire « la masse salariale » ! GAUTIER échappe à cette « compression » de personnel. Il est confirmé dans son poste et reste, dans sa fonction, l’un des trois inspecteurs du royaume (re) nommés.

On se pose toujours des questions sur le niveau de documentation des ingénieurs-architectes du temps de GAUTIER à la fin du 17ème siècle. De quels documents techniques un maître d’œuvre dispose-t-il en province à cette époque ?

Dans le livre d’A. PUECH, nous possédons l’inventaire des biens mobiliers appartenant à l’architecte Gabriel DARDALHON, qui a construit de nombreux ouvrages sur Nîmes et qui décéda le 11 mars 1695. D’après les documents concernant sa succession, outre les instruments de mesure propres à sa profession, sa bibliothèque technique personnelle, comporte une vingtaine d’ouvrages :

  • les traités d’architecture :
    – d’ANDROUET du CERCEAU,
    – de PALLADIO.
  • le parallèle entre l’architecture ancienne et la moderne par de CHAMBRE
  • les figures du palais de GENES
  • les œuvres de :
    – Philibert DELORME
    – VITRUVE sur l’architecture
    – LEONARD de VINCI sur la peinture
  • les manuels de mathématiques de Samuel MAROLLES
  • l’architecture de VIGNOLLE
  • un traité de perspective pratique
  • l’école des arpenteurs
  • les principes de la cosmographie
  • plusieurs traités sur les fortifications dont celui d’Henri GAUTIER.

Vingt ouvrages tout au plus, voici le fonds documentaire d’un praticien de terrain. Bien entendu, aucun ouvrage de mécanique des sols, de résistance des matériaux, aucun ouvrage théorique … pas de Documents Techniques Unifiés (DTU) et un accès quasi inexistant à des bibliothèques spécialisées qui commencent à peine à se constituer … Les livres circulent peu, sauf dans certaines confréries type « compagnon ». C’est une époque où l’on ne parle pas de « mise en commun des savoirs », de capitalisation d’expériences.

Tout de même, les idées et le savoir- faire diffusent lentement au gré des chantiers qui attirent une main d’œuvre nombreuse et qui s’étirent sur de longues périodes. L’expérience se transmet surtout par l’oral … Cette transmission est plus liée à la mobilité des hommes qu’au déplacement des manuels et des traités qui sont fort peu nombreux.

Il est très vraisemblable que GAUTIER, praticien confronté aux réalités de terrain, a senti ce manque de doctrine écrite, de manuels de base et a décidé de combler cette lacune en écrivant lui-même un traité rassemblant son expérience d’homme de terrain et en l’enrichissant des enseignements des « Anciens ».

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